De nombreuses femmes signalent des dérèglements hormonaux depuis leur vaccination. Le lien n’est pas encore établie mais plusieurs études de grande ampleur vont être lancées.
Sarah est étudiante à Nice. Début mai, elle a reçu la première injection du vaccin Pfizer. “J’ai réalisé que quelque chose clochait quand je n’ai pas eu mes règles après la deuxième dose, en juin.”
Un mois après, ses saignements arrivent enfin. Et ne s’arrêtent plus. Pendant 52 jours. « Mes douleurs, déjà très fortes en temps normal, étaient multipliées par mille. » Sarah souffre d’endométriose mais, avant le vaccin, son état était stabilisé depuis un an ; « ça a tout déréglé » d’autres phénomènes anormaux depuis sa deuxième injection : perte de libido, perte de cheveux importante, acné, sautes d’humeur.
Plus de témoignages
Des histoires similaires circulent sur Internet depuis plusieurs mois, raison pour laquelle nous avons lancé un appel à témoins sur les sites du groupe Nice-Matin. En trois semaines, plus de 1700 femmes de tout âge ont répondu. La majorité signale des règles abondantes, qui arrivent en avance ou en retard, des saignements plus longs qu’à l’accoutumée, des douleurs accrues et, presque invariablement, une fatigue extrême.
Signaux sous surveillance.
Etudes d’envergure aux Etats-Unis
Si le Comité d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments a insisté, début août, sur l’absence « de lien de cause à effet établi à ce stade », il a demandé des « données supplémentaires » aux laboratoires et « continue à surveiller le sujet ». De l’autre côté de l’Atlantique, le problème est pris au sérieux. Les Instituts américains de santé (NIH), agence gouvernementale des Etats-unis, ont annoncé allouer 1,67 millions de dollars pour rechercher des liens potentiels entre vaccination contre la Covid-19 et menstruation.
Cinq études bénéficieront de ce financement et influeront 400 000 et 500 000 participants.
« Notre objectif est d’apporter des informations aux personnes menstruées, surtout ce qui peut arriver, parce que c’est le plus gros problème : personne ne s’attendait à ce que les vaccins contre la Covid affectent le cycle menstruel étant donné que ce n’était pas ce qui était recherché lors des premières études. » souligne Dian Blanchi, directrice du NICHD qui finance en partie les études. Les résultats sont attendus fin 2022.
Signaux sous surveillance
Depuis la fin juillet, les « troubles menstruels » sont classés l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’établissement public chargé du suivi des effets indésirables des vaccins contre la Covid-19. Concrètement, cela signifie que des cas ont été signalés mais qu’il est encore trop tôt pour établir officiellement un lien de cause à effet. Au 30 juillet date des dernières données disponibles, l’ANSM avait recensé
« 261 cas de troubles menstruels dont 30 graves » après le vaccin Pfizer,
« 49 cas dont 6 graves » après Moderna, pour des femmes âgées entre 18 et 83 ans.
Des chiffres à nuancer par manque d’exhaustivité du recueil. Tout le monde ne pense pas à signaler officiellement les effets secondaires à son médecin ou sur le site du ministère de la Santé.
La majorité des femmes, qui ont répondu à notre appel à témoins signale des règles abondantes, qui arrivent en avance ou en retard, et des saignements plus longs qu’à l’accoutumée.
« La gravité des cas est principalement due aux symptômes associés à ces troubles à ces troubles menstruels (syndrome pseudo-grippaux …), assure l’agence dans son suivi. Le type d’effets remontés est très hétérogène ( retard de règles, saignements intermenstruels inhabituels et inattendus, saignements abondants). » Dans son rapport suivant, concernant la période du 30 juillet au 19 aout, l’ANSM note également des « contractions utérines douloureuses » comme événement « sous surveillance » survenant après le vaccin Pfizer.
“Comment se fait-il que le vaccin contre la Covid-19 puisse influer sur le cycle menstruel ? Il est difficile de relier ces effets aux vaccins Nous n’avons ni le recul, ni les études » indique d’emblée la gynécologue Vanessa Srom, basée à Nice.”
Consulter au bout de trois mois
Elle a néanmoins une hypothèse : « si je simplifie à l’extrême, les anticorps du système immunitaire réagissent parce qu’il se croit agressé. Le corps se sent en danger, alors il met tout à l’arrêt au niveau hormonal, y compris donc le cycle menstruel qui n’a qu’un but, faire un bébé. Et ce n’est pas une fonction vitale, surtout lorsqu’on se croit malade. » L’abondance des saignements ou leur durée anormale peut s’expliquer par un « phénomène inflammatoire lié à la production d’anticorps. « Le retard des règles, c’est obligatoirement hormonal »juge la gynécologue. Elle a été consultée à ce sujet par plusieurs patientes mais « le temps que le rendez-vous arrive le problème s’était résolu tout seul. »
« Si c’est bien un dérèglement hormonal lié à la réaction du corps face au vaccin, dans la plupart des cas cela se résoud au cycle suivant » rassure Vanessa Scrom. « si au bout de trois mois, le trouble dure encore, il faut consulter. Évidemment, si les règles sont hémorragiques et que cela devient insupportable, il ne faut pas attendre autant. »
Lauriane Sandrini Nice-Matin le 13 septembre 2021